La grande peur du cancer
Les campagnes de prévention contre le cancer nous paraissent aujourd'hui nécessaires et efficaces. Au début du siècle, elles ont revêtu un caractère systématique, qui a fini par faire de chaque individu bien portant un cancéreux en puissance. Pour la plus grande angoisse des populations*.
C'est seulement vers la fin du xixe siècle que le cancer, érigé en fléau social, fait l'objet d'une prise de conscience collective. Certes, avant cette époque, nul n'en ignorait la gravité. En 1699, le chirurgien Dionis, qui le considérait comme une calamité plus terrible que la rage ou la peste, écrivait déjà, dans son Cours de chirurgie : « Le cancer est d'un consentement unanime le plus horrible de tous les maux qui attaquent l'homme'. » Mais ce sentiment était tempéré par plusieurs facteurs : pas davantage que la sclérose en plaque aujourd'hui, la maladie n'était alors perçue comme un phénomène généralisé ; la plupart des cancers viscéraux passaient inaperçus à la faveur des lacunes du diagnostic ; enfin, l'idée d'incurabilité du mal n'était pas ancrée dans les mentalités, tant les confusions avec d'autres maladies, curables celles-là, étaient nombreuses.