La révolution des loisirs
Une révolution extraordinaire, dans un domaine particulièrement difficile à appréhender pour l'historien : celui du temps, tel qu'il s'écoule, tel qu'on le divise, et tel qu'il est perçu par les individus. C'est cette révolution, entamée à la fin du XVIIIe siècle, que le XXe siècle a vue aboutir. Quand le travail, toujours tant exalté, a commencé à reculer au profit du loisir.
Chaque société possède sa charpente temporelle. Toute réflexion sur le loisir doit donc s'intégrer à une saisie plus vaste des symboles, des normes et des usages sociaux du temps, à une histoire de la culture du temps, collective et individuelle. L'allongement de la durée légale de non-travail - la conquête, en France, du congé hebdomadaire en 1906 ou celle des congés payés en 1936 - n'est qu'un élément de cette mise en ordre des saisons, des jours et des nuits.
La diversité sociale et la spécificité des usages du temps qu'elle induit compliquent, ici, l'analyse. Ainsi, dans la France du XIXe siècle, la durée aristocratique s'oppose à la hantise de la perte du temps caractérisant une bourgeoisie qui a, peu à peu, intériorisé les normes d'un strict emploi des heures ; elle s'oppose au sentiment qui, en ce domaine, constitue une paysannerie que l'on décrit comme étroitement soumise aux rythmes cosmique et biologique.