Ibadites : une autre histoire de l'islam médiéval

L’Archipel ibadite. Une histoire des marges du Maghreb médiéval, Cyrille Aillet, Lyon, CIHAM, « Mondes médiévaux », 2022, 592 p., 45 €.

Cyrille Aillet a la passion des minorités en danger. Après les Mozarabes, chrétiens minorisés en al-Andalus, voici les Ibadites des lisières sahariennes du Maghreb – ceux que les sunnites nomment Kharijites (dissidents). Ils trouvent leurs origines dans une révolte égalitaire du premier Islam. Écrasés en Orient dès le début du VIIIe siècle – à l’exception d’Oman –, ils se réfugient au Maghreb, y exaltent l’identité berbère, édifient à Tahert, en Algérie, un califat des purs (777-911), de nouveau anéanti. Repoussés toujours plus au sud par les pouvoirs en place et par les tribus arabes (XIe-XIIIe siècles), ils auraient sans doute disparu si les premières conversions à l’islam de royaumes africains n’avaient pas mis en place, dès les Xe-XIe siècles, un trafic séculaire d’or et surtout d’esclaves dont ils se firent les intermédiaires.

En quoi ces marges ibadites se distinguent-elles de l’ordinaire de la vie tribale ? Fondamentalement par leur charpente intellectuelle. Comme les Juifs après la chute du royaume d’Israël, les Ibadites privés d’État sont gouvernés par des clercs ; leurs villes minuscules abritent d’impressionnantes bibliothèques – plus de 11 000 manuscrits aujourd’hui. Presque tous ces livres portent sur les questions religieuses et juridiques les plus complexes qui agitèrent les premiers siècles de l’Islam. De la « vie réelle », de l’or et des esclaves, presque rien. On ne vit pas la vie qu’on rêve, on n’accorde pas ses rêves aux trivialités de la vie qu’on mène.

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