La fin des héros
Longtemps réduite à sa mythologie gaullienne ou communiste, l'histoire de l'« armée des ombres » est depuis une vingtaine d'années en cours d'écriture. Passé le temps des héros, la Résistance se révèle diverse, multiforme, divisée aussi. Et de nouvelles questions se posent : pourquoi s'engage-t-on ? Quelles furent les conséquences des divisions politiques entre les mouvements ? Autant de sujets controversés, auxquels les chercheurs sont aujourd'hui en mesure d'apporter des réponses.
I COMMENT DEVIENT-ON I RÉSISTANT ?
La Résistance française émerge dans un contexte pour le moins troublé. Par sa brutalité, {'«étrange défaite», pour reprendre l'expression de Marc Bloch1, suscite un profond traumatisme dans le pays. L'effondrement des structures d'encadrement traditionnelles - partis, armée, syndicats... - entraîne une atomisation de la société et favorise le repli sur la sphère privée2. Confrontée aux problèmes matériels qui l'assaillent, au chômage et au rationnement, sans omettre le transfert outre-Rhin de 1,8 million de prisonniers, la population se montre peu encline à s'engager, d'autant qu'elle n'imagine guère les moyens concrets de s'opposer à un Reich tout-puissant.