L'alpinisme : une invention de la bourgeoisie
De tout temps, les hommes ont été obsédés par les grandes montagnes, et, pour les escalader, il suffisait d'essayer. Seulement, pour essayer, des conditions historiques très particulières devaient être réunies.
En plein centre de l’Europe, les grandes montagnes sont restées vierges et même inconnues jusqu’à l’aube du XIXe siècle, plus longtemps que les terres des antipodes, Polynésie ou Australie ; l’existence de la Barre des Écrins (département des Hautes-Alpes) n’a été découverte qu’en 1828, lors de la préparation de la carte d’état-major au 1/80 000. De la frontière franco-suisse, Voltaire écrivait très véridiquement, vers 1760 : « J’ai devant les yeux quarante lieues de montagnes couvertes de neiges éternelles, sur lesquelles il n’a jamais passé ni un homme, ni même un oiseau. » Ces lignes sont extraites de l’article « Géographie » du Dictionnaire philosophique, où Voltaire rappelle que la plus grande partie du globe demeure inconnue et que, de l’Afrique, on ne connaît que la frange côtière.