Stalinostalgie
Le 5 mars 1953 disparaissait Staline. Quel regard les Russes portent-ils aujourd'hui sur l'ancien dictateur ?
Le 5 mars 1953 disparaissait Staline. Quel regard les Russes portent-ils aujourd'hui sur l'ancien dictateur ?
Présenté en URSS lors du XXe Congrès du PCUS, le 24 février 1956, le rapport Khrouchtchev sur les crimes de Staline a changé la face du communisme. Les archives de l'ex-URSS permettent aujourd'hui d'en reconstituer précisément l'élaboration. Et de retracer les débats et les manipulations auxquels il a donné lieu.
Il y a dix ans, le 19 août 1991, un putsch précipitait l'effondrement de l'empire soviétique. Le témoignage de l'historien Mikhaïl Narinski qui évoque ici trente ans d'histoire de l'URSS. Depuis la déstalinisation des années 1960 jusqu'à la chute de Gorbatchev. Quand un destin individuel rencontre l'aventure collective.
Immenses espoirs que ceux de l'année 1956! En février, le rapport Khrouchtchev dénonce la déviation stalinienne. En octobre se lève à Budapest la première révolution antitotalitaire. A Suez, l'ordre bipolaire semble vaciller. Jean-Pierre Rioux nous dit pourquoi cette année, qui aurait pu être décisive, fut finalement celle d'un dégel raté.
Le mythe soviétique, qui a définitivement volé en éclats en Occident après la publication de L'Archipel du Goulag de Soljénitsyne, est en passe de se décomposer aussi en URSS sous l'effet de la glasnost. Déjà en 1956, le Rapport secret de Nikita Khrouchtchev avait levé le voile sur les crimes de Staline. Loin d'être le héros homérique du socialisme, qu'un culte de la personnalité rien moins que marxiste avait rendu quasi immortel, Staline était dénoncé comme un dangereux paranoïaque, qui avait failli livrer le pays à Hitler par ses inconséquences et ses obsessions. Cependant, il était difficile pour la Nomenklatura - composée des anciens compagnons du « père des peuples » - de pousser la logique de la déstalinisation à terme : tous les privilèges établis risquaient d'être ébranlés. Le « dégel » ne dura que quelques années. Une « reglaciation » lui succéda, sur laquelle le nom de Brejnev agit comme un anticyclone stabilisé. Cette période de « stagnation », Gorbatchev a voulu la dépasser. Les raisons d'ordre économique sont à l'origine des nouvelles réformes. Les lourdeurs funestes de l'organisation bureaucratique, les freins d'une idéocratie sans opposition, les ravages de la corruption, les dysfonctionnements multiples d'un étatisme étouffant, tout cela a rendu la vie quotidienne en URSS insupportable, tandis qu'à terme le pays risquait de connaître une crise générale à la polonaise. Mais redonner de la souplesse à une économie sclérosée ne va pas de soi. Les mentalités doivent, elles aussi, changer. La perestroïka n'a de chance de réussir que si, dans la « superstructure » idéologique, on révise quelques dogmes néfastes. Dans cette révision, l'histoire joue un grand rôle. Sa fonction idéologique, là-bas, l'a toujours emporté sur ses objectifs scientifiques. Les manipulations qu'elle a subies depuis Lénine sont dignes du 1984 d'Orwell. Les historiens n'étaient pas des savants, dans la définition occidentale du terme, c'est-à-dire des chercheurs libres, mais des instruments intellectuels du pouvoir. Dans la glasnost, il n'est pas sûr que cette fonction idéologique soit liquidée. Mais les besoins de la perestroïka vont dans le sens d'une « transparence » qui devrait profiter, en fin de compte, à toute la discipline historienne. Jean-Jacques Marie, à qui l'on doit plusieurs ouvrages sur l'histoire de l'URSS - en particulier une étude sur Staline - lors d'un récent voyage à Moscou s'est entretenu avec louri Afanassiev, un des plus éminents « rénovateurs », ce qu'il rapporte de ce voyage en dit long sur le remue-ménage actuel.
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